"VOILE"
Marketing et Presse:
Fiche du film sur le site web du Festival de Clermont-Ferrand: www.clermont-filmfest.com
Citations et écrits de différents auteurs autour des thèmes abordés dans le film:
Passé:
Emmanuel Kant et ce qu'il disait des religions en 1784 dans "Qu'est-ce que les lumières?":
"Si on pose à présent la question: "Vivons-nous actuellement dans un siècle éclairé?", la réponse est non mais dans un siècle en marche vers les lumières. Il s'en faut beaucoup qu'en l'état actuel des choses les hommes pris dans leur ensemble soient déjà capables de se servir de leur propre entendement, de manière sûre et profitable, sans être dirigés par un autre, dans les choses de la religion. Mais qu'ils aient désormais le champ libre pour s'y exercer librement et que les obstacles s'opposant au mouvement général des lumières et à la sortie d'une minorité dont ils sont eux-mêmes responsables diminuent graduellement, c'est ce dont nous avons quand même des indices précis. A cet égard, notre siècle est le siècle des lumières ou le siècle de Frédéric (Frédéric II de Prusse).
Un prince qui ne trouve pas indigne de lui de dire qu'il tient pour un devoir de ne rien prescrire aux hommes dans les choses de la religion mais de leur laisser en cela toute liberté, qui par conséquent refuse pour son compte l'attribut hautain de tolérance, est lui-même éclairé et mérite d'être honoré par ses contemporains et la postérité reconnaissants, comme celui qui, le premier, a arraché le genre humain à la minorité, du moins en ce qui concerne ce que peut faire le gouvernement en la matière".
John Locke en 1689, dans « Lettre sur la tolérance » :
« Puisque vous jugez à propos de me demander quelle est mon opinion sur la tolérance que les différentes sectes des chrétiens doivent avoir les unes pour les autres, je vous répondrai franchement qu’elle est, à mon avis, le principal caractère de la véritable église. Les uns ont beau se vanter de l’antiquité de leurs charges et de leurs titres, ou de la pompe de leur culte extérieur ; les autres, de la réformation de leur discipline, et tous en général, de l’orthodoxie de leur foi (car chacun se croit orthodoxe) ; tout cela, dis-je, et mille autres avantages de cette nature, sont plutôt des preuves de l’envie que les hommes ont de dominer les uns sur les autres, que des marques de l’église de Jésus-Christ. Quelques justes prétentions que l’on ait à toutes ces prérogatives, si l’on manque de charité, de douceur et de bienveillance pour tout le genre humain en général, même pour ceux qui ne sont pas chrétiens, à coup sûr, l’on est fort éloigné d’être chrétien soi-même ».
Présent:
A/ Liens vers les grands discours de Barack Obama en 2008 et 2009, en vidéo ou en version texte, et notamment ceux qui parlent d'ouverture vers les pays musulmans.
B/Frédéric Lenoir (Directeur de la revue "Le monde des religions") dans l'émission "Tombé du ciel" du 15 septembre 2009, présentée par Agnès Vahramian, sur la chaine de Télévision LCP Assemblée Nationale. www.lcpan.fr
Question de Agnès Vahramian :
Face aux religions on a l'impression que ça bloque, en France, beaucoup plus qu'ailleurs ! Pourquoi ?
Réponse de Frédéric Lenoir :
La France a une histoire très particulière par rapport aux autres pays européens. Il y avait une sorte de pacte des Lumières, qui a été très bien formalisé par les œuvres de Kant, les études de John Locke, etc, qui montrent, qu’au fond on peut vivre en paix, si la loi permet, à tous les citoyens, de vivre leur religion comme ils l'entendent; aucune interdiction des cultes, aucune interdiction des croyances, chacun vie sa religion et met les signes qu'il veut sur lui, comme il l'entend. Simplement, il doit y avoir une séparation du politique et du religieux (en France en particulier). On doit être dans un état laïc qui tolère toutes les formes religieuses.
Question de Agnès Vahramian :
ça c'est les lumières?
Réponse de Frédéric Lenoir :
ça c'est les lumières! Cela c'est vécu comme ça dans tous les pays anglo-saxons, et notamment dans certains pays comme les Etats-Unis qui étaient des fondations tout à fait nouvelles, il y avait un multiculturalisme très important, des gens de toutes les religions de tous horizons. Des Chrétiens qui s'entretuaient en Europe, on vécus aux Etats-Unis, avec cette grande tolérance. Et en France, il y avait une telle résistance de l'église catholique, qui par l'histoire particulière de la France a toujours eu une emprise sur le politique, qu'il y a eu un conflit violent entre le religieux et le politique. Et du coup la France a eu une laïcité tout à fait spécifique, qui a éliminé le plus possible la religion de l'espace public pour se protéger de l'emprise justement de l'église catholique. Et aujourd'hui, on a encore ce vieux réflexe de peur de la religion dans l'espace public. Et la grande question qui se pose c'est : compte tenu de l'arrivée massive, aujourd'hui, de Français Musulman, qui ont une autre culture, on ne peut plus, probablement, vivre selon ces mêmes codes qui ont fonctionnés pendant un certain temps.
Question de Agnès Vahramian :
Alors est-ce que ça veut dire qu'on a pas le choix ? C'est à dire que face à ce multiculturalisme aujourd'hui, et bien il faut revoir notre laïcité ?
Réponse de Frédéric Lenoir :
On a toujours le choix. On peut toujours se crisper sur ce qui a été un modèle qui a fonctionné pendant quelques siècles, mais je crois que le sens de l'histoire, c'est la mondialisation, c'est le brassage des cultures. On le vie très fortement en France, et je ne vois pas au nom de quoi, si en revient à l'idéal des Lumières, on pourrait interdire aujourd'hui, à des musulmans... de vivre leur religion comme ils l'entendent. Et il y a des signes qui peuvent être choquant pour nous, dans notre histoire, dans notre culture, qui ne le sont pas du tout pour des musulmans. Donc la question, c'est que l'on oblige pas - par exemple sur la question du voile - on oblige pas de femme(s) à le porter. C'est à dire que tout ce qui est une contrainte sur l'individu doit être interdit et dénoncé. Mais si une femme pour des raisons personnelles et religieuses estime que sa dignité c'est de porter un voile, ou c'est d'avoir tel particularisme médical, à ce moment là on ne voit pas au nom de quoi, on pourrait le lui interdire, selon notre propre idéal des lumières.
Question de Agnès Vahramian :
Et si on l'interdit ?
Réponse de Frédéric Lenoir :
Si on l'interdit on risque d'aller vers une violence sociale de plus en plus grande. Et au lieu d'apaiser la société française, on risque de la rendre de plus en plus clivée, entre des minorités qui vont se sentir frustrées au nom d'une majorité laïque silencieuse, qui au fond ne souhaite pas que des formes particulières, nouvelles, de religion, puissent s'exprimer en France. Je crains qu'il y ait plus de violence à interdire, qu'à tolérer, avec vigilance.
Références bibliographiques :
-> « Le foulard islamique en questions »
Coécrit par : par Balibar, Barkat, Bouamama, Bourdieu, Bouteldja, Bouzar, Delphy, Dubois, El Yazami, Gaspard, Göle, Grupper, Guénif-Souilams, Hamana, Kian-Thiébaut, Khosrokhavar, Lévy, Nordmann, Ogilvie, Shepard, Terray, Tévanian, Tournemire, Vidal.
Aux Editions Amsterdam
-> « Le voile médiatique »
Auteur : Pierre Tévanian
Editions : Raisons d’agir
-> « Ce que nous voile le voile-La république et le sacré »
Auteur : Régis Debray
Editions : Gallimard
-> « Qu'est-ce que les lumières? »
Auteur: Emmanuel Kant
Editions: Nathan
-> « Lettre sur la tolérance »
Auteur: John Locke
Editions: 1001 nuits
->Revue « Le monde des religions »
Directeur: Frédéric Lenoir
->Quatrains et ballades du poète Omar Khayyâm
Editions: Actes Sud